Connue depuis l’antiquité sans avoir été identifiée, l’Endométriose retient l’intérêt du corps médical depuis quelques années, car elle touche au minimum 10% de la population mondiale, mais elle ne bénéficie toujours pas d’un traitement spécifique et réellement efficace.
Si les recommandations récentes de l’HAS (décembre 2017) en ont clarifié et simplifié les orientations thérapeutiques, la médiatisation de l’expérience personnelle de quelques artistes a permis de faire entendre les voix des associations de patientes concernées et de commencer à prendre en compte leurs expériences personnelles.
Néanmoins, les progrès thérapeutiques n’ont pas encore permis d’éradiquer cette affection dont l’évolution peut être déconcertante pour le corps médical et les patientes. En effet, cette pathologie est pleine de paradoxes difficiles à gérer :
Il n’y a pas de parallélisme entre la taille, le nombre et la gravité des foyers d’Endométriose. Une petite lésion peut être intensément plus douloureuse que de multiples lésions disséminées et invasives ; et inversement.
Quelques soient les traitements appliqués (médical et/ou chirurgical), les rechutes sont très fréquentes (supérieures à 50%).
Des poussées évolutives peuvent être observées même sous traitement bien contrôlé, souvent synchrones d’évènements émotionnels.
Une fréquence particulière des maladies auto immunes est souvent constatée au-delà de la cinquantaine.
Classiquement observée entre la puberté et la ménopause, cette pathologie peut, parfois, être suspectée dés les premières règles et quelquefois bien au-delà de leur arrêt définitif.
En réalité, il n’y a pas de « règle »bien établie pour cette affection et tous ces faits incitent à la plus grande prudence médicale et à reconsidérer les stratégies thérapeutiques.
Soigne-t-on les vraies causes de cette affection ?
Que signifient, réellement, ces douleurs et cette dysfertilité ? Sont-elles seulement physiques?
L’étude du cas suivant pourrait aider à une lecture plus dynamique et plus intégrative de l’histoire médicale des femmes atteintes d’Endométriose.
Revue Française de Psychosomatique n°45/ 2014 p ;41 à 75.
Affect et pulsions en médecine et en psychosomatique : questions cliniques, théoriques et épistémologiques
Le passage de la médecine à la psychosomatique est un parcours semé d'« obstacles épistémologiques » (Bachelard, 1938), dont la complexité et la difficulté reflètent la complexité et les aléas dans les conceptions des rapports psyché-soma.
Cette complexité et cette difficulté qui sous-tendent les rapports médecine et psychosomatique se redoublent à l'intérieur du champ de la psychosomatique par l'impact des conceptions des rapports psyché-soma dans la diversité des modèles psychanalytiques de la psychosomatique (Smadja, 2008). Ce parcours qui vise la « transformation, dans la pensée de l'observateur, d'une dualité de phénomènes hétérogènes chez le patient, appartenant à des champs de fonctionnement différents (fonctionnement psychique et fonctionnements somatiques) en une unicité de conception » (Smadja), exige le préalable d'un dialogue ouvert entre la psychanalyse et la médecine, mais aussi au sein de la psychanalyse elle-même.
La fécondité de ce dialogue dépend de la reconnaissance et du respect tant au niveau théorique que pratique de l'hétérogénéité et de la spécificité de chacun de ces champs de la connaissance de la vie. L'aboutissement de ce dialogue doit intégrer les acquis, irréversibles, de la médecine occidentale contemporaine, et non les renier, s'il veut respecter le haut niveau de complexité par quoi se constitue le phénomène psychosomatique.
Je propose dans cet article de relancer à la lumière du psychanalyste que je suis devenu des réflexions cliniques, théoriques et épistémologiques que j'avais menées d'un point de vue médical à partir de questions surgies dans ma pratique de la médecine générale (Delourmel, 1984). Le passage d'une pratique médicale à une pratique analytique exige un renoncement du fait de la spécificité de chacune de ces pratiques.
Mais le travail de deuil exigé à l'égard de la pratique médicale par le choix de la pratique analytique n'est pas un reniement de la médecine ni d'une pratique dont les traces constituent un trésor d'expérience humaine. J'espère ainsi apporter des éléments utiles, du fait de ma formation médicale et psychanalytique, et de l'enseignement que j'ai tiré des questions soulevées au cours de ma pratique, ancienne, de la médecine générale, à l'ouverture d'un dialogue entre médecins et psychanalystes qui est un enjeu majeur de santé publique.
Ce dialogue reste trop souvent un dialogue de sourds : en effet, il place les médecins non psychanalystes et les psychanalystes non médecins devant la même difficulté : la confrontation à des formes de pensée et à des connaissances qui leur sont étrangères. Cette confrontation exige un effort mutuel pour entrer dans la pensée de l'autre.
Pour introduire à ces questions, je vais partir rapporter brièvement un cas de malade qui illustre le quotidien d'un médecin généraliste.